Une rentrée rythmée sous la transition

Nouvelles Lois Energie et Climat, plan de sobriété et programmation budgétaire, traductions concrètes du discours de politique générale d’Elisabeth Borne – avec en point d’orgue la mise en place du secrétariat à la planification écologique…  Si les annonces se succèdent, des zones d’ombres devront être levées dans les semaines et mois qui viennent pour confirmer le virage nécessaire. Explications d’experts via l’article RSEDATA News.

Après un été marqué par la sécheresse et les incendies en France, l’heure est désormais à l’action pour le gouvernement : au vu des annonces qui se succèdent depuis cette mi-juillet 2022, l’exécutif semble avoir pris conscience de l’urgence : après des travaux lancés dans la précipitation au début de l’été pour favoriser le développement des EnR (énergies renouvelables), une loi d’accélération du processus est actuellement soumise à consultation, quand un autre texte sur les mesures énergie-climat à prendre, secteur par secteur, territoire par territoire pour atteindre l’objectif de diminution des émissions de CO2 de 4,7 % par an en moyenne sur la période de 2022 à 2030 – pour respecter l’objectif de réduction européen de 55% -, devrait également être discuté à l’issue d’une « vaste consultation » lancée dans les prochains jours. Sans parler du plan de sobriété énergétique annoncé par le Président de la République dans son allocution de 14 juillet… De quoi traduire en avancées concrètes le discours de politique générale prononcé par Elisabeth Borne. Celui-ci avait déjà fourni des premiers éléments sur les orientations du gouvernement pour mener la transition écologique. « Certains mots clés étaient là : rénovation énergétique, mobilité propre, accès au véhicule électrique pour tous », observe Damien Demailly, directeur de la stratégie et de la communication chez I4CE. Reste maintenant à les décliner…

Premières avancées

Le voile commence à se lever sur ce que pourrait contenir le « plan de sobriété ». Elisabeth Borne vient d’ailleurs dans un entretien au journal le Parisien d’annoncer le déblocage d’un « fonds vert » doté de 1,5 Mds d’euros pour accompagner les collectivités locales dans la lutte contre le changement climatique. Une somme qui devrait être orientée vers la réhabilitation des friches pour éviter l’étalement urbain, la rénovation énergétique des bâtiments publics – et notamment des écoles -, le retour de la nature en ville ou encore la construction de parkings relais. Début juillet, Agnès Pannier-Runacher et Elisabeth Borne ont mis en place plusieurs groupes de travail, avec la grande distribution, le secteur du numérique dont les conclusions sont attendues à la fin septembre. « C’est une très bonne chose que la sobriété ne soit plus un sujet tabou, voire de moquerie, alors qu’elle est essentielle, observe Anne Bringault, coordinatrice des programmes du Réseau Action Climat (RAC) France. Reste savoir si elle sera considérée comme une réponse de court ou de long terme. La sobriété est souvent présentée comme une action conjoncturelle, à mener à cause de la guerre en Ukraine, or nous allons devoir la mener sur le long terme », souligne la responsable. La création du Secrétariat Général à la Planification Écologique (SGPE) est elle aussi accueillie avec satisfaction, et ce même si le ministère en charge de la Transition écologique a été rétrogradé dans l’organigramme de l’État. Les attentes restent cependant fortes sur la méthode. En effet, Elisabeth Borne n’a pas encore précisé la gouvernance qui sera mise en place pour mobiliser les acteurs et assurer la transversalité. « Le lien annoncé avec les territoires est intéressant, observe toutefois Lola Vallejo, Directrice du programme climat de l’IDDRI, en particulier dans le contexte de la nécessaire accélération du développement des renouvelables. »

 

Premiers questionnements

Mais au-delà du cadre, l’évaluation de la mise en œuvre sera indispensable. Les mesures sectorielles, notamment celles faites par la grande distribution sur la sobriété, ont déçu, la plupart relevant plus du bon sens que de réels ajustements. Concernant la planification, « nous sommes en général très forts en France pour fixer un objectif, moins pour le suivre, » estime Anne Bringault. Un avis partagé par Xavier Timbeau, directeur de l’OFCE : « un effort sera à faire du côté de la statistique publique, nous avons besoin d’un spectre plus large et d’un niveau de granularité plus fin pour assurer le suivi des politiques et de leur efficacité. C’est indispensable pour s’assurer qu’on va vers une transition juste. » Il n’existe notamment pas d’outil d’évaluation des aides pour la rénovation des logements ou pour l’achat de véhicules plus propres. « Nous les développons, pointe Xavier Timbeau, mais encore faut-il que l’administration s’en empare et qu’ils viennent nourrir le débat parlementaire et politique. Si le développement d’alternatives aux énergies fossiles va bien faire l’objet d’une loi dédiée, le projet de loi sur l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, qui a fait l’objet d’échanges avec les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile au mois d’août avant son passage en conseil des ministres mi-septembre, puis devant le Parlement en octobre, a également reçu un accueil mitigé. « De manière générale, ce texte va dans le bon sens et comporte plusieurs dispositions importantes comme son article 18 qui engage le chantier de création d’un cadre juridique relatif aux « PPA » (contrats de vente d’électricité), commente l’avocat spécialisé Arnaud Gossement dans un billet dédié. Mais il ne sera cependant pas suffisant pour engager la révolution attendue des énergies renouvelables dans notre pays. » En cause, une simplification d’ensemble du droit de l’environnement et de l’énergie qui ne va pas assez loin pour réellement amplifier la dynamique. L’annonce, dans le même temps, de l’installation d’un nouveau terminal méthanier dans le port du Havre a fait  grincer des dents. « Il est particulièrement choquant que la Première Ministre ait déclaré que la France sera le premier pays à sortir des énergies fossiles, fustige Anne Bringault. Ce discours n’est pas la réalité.

Des besoins de précisions

Dans les mois qui viennent, la révision de la SNBC sera un marqueur important des ambitions de l’État. « Nous entendons dans les groupes de travail que certains acteurs – par exemple la FNSEA du côté de l’agriculture – essaient de freiner, s’inquiète Anne Bringault. Or, nous avons besoin que l’administration envoie un message très clair. » Elisabeth Borne a déjà évoqué le 6 juillet l’intention de rejoindre l’objectif européen de réduction des 55 % des émissions d’ici 2030, un engagement doit désormais être inscrit dans les textes. Par ailleurs, la répartition des efforts par secteur dans la future SNBC sera un élément de trajectoire important. La loi de programmation budgétaire pour les 5 prochaines années sera aussi suivie avec attention. « Il reste en effet un non dit dans le discours de la Première Ministre : qui va payer ? », s’interroge Damien Debailly. Emmanuel Macron, dans sa campagne électorale, avait évoqué un montant de 10 Md€ par an pour la transition écologique, un chiffre qui n’a pas été repris dans la déclaration de politique générale d’Elisabeth Borne. « L’objectif de réduire la dette à partir de 2026 laisse penser qu’il y a encore une certaine marge de manœuvre budgétaire », analyse Xavier Timbeau dans l’attente du texte à l’automne.  Pour la porte-parole du RAC, les efforts demandés ne seront audibles que s’ils sont demandés de façon juste à l’ensemble des acteurs. « Un plan de communication doit être lancé par l’État sur la sobriété ; il faut que les entreprises, l’État mettent en place des actions fortes, sinon cela ne sera pas audible. » Or, sur le volet social, on ne connait pour l’instant que les mesures qui porteront sur l’année 2022. Dans son interview au Parisien, Elisabeth Borne a toutefois indiqué que chacun devrait participer à l’effort et n’a pas fermé la porte à la taxation des super profits. Dans la loi sur le pouvoir d’achat, votée début août, le « bouclier » sur le gaz et sur le carburant a été reconduit jusqu’à fin 2022, mais le message envoyé d’une application à tous les Français sans distinction de revenus  – est venu questionner cette notion de transition juste. « Il est important de mettre rapidement en place un ciblage vers les revenus bas et les ménages qui doivent faire beaucoup de trajets, pointe Anne Bringault. Les aides ne doivent pas être orientées vers les ménages aisés qui ont la capacité à payer les hausses de prix, il y a un vrai enjeu à mieux flécher les aides et à les augmenter.

 

Des trous dans la raquette

Plusieurs sujets sont cependant restés absents de la communication du gouvernement, amenant les observateurs, tels Xavier Timbeau, à évoquer leur « impatience et le bénéfice du doute » à l’égard du gouvernement. Parmi les sujets oubliés, le mot « adaptation » était absent du discours de politique générale de Mme Borne, et ce, alors que le Haut Conseil pour le Climat (HCC) rappelle régulièrement dans ses rapports l’urgence à mettre en place une véritable stratégie en la matière. Le ministre en charge de la Transition écologique, Christophe Béchu, a certes rappelé qu’un nouveau plan était en préparation avec des moyens pour 2023 pour répondre aux « incendies et la sécheresse de cet été » sans davantage dévoiler ses ambitions. Il manque également des précisions sur la transition du secteur des transports. « C’est le secteur le plus émetteur, nous attendons d’autres mesures pour accompagner la décarbonation de la mobilité », rappelle Anne Bringault. Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait en effet annoncé des aides pour favoriser l’achat de véhicules électriques sous la forme de leasing (le VE à « un euro par jour »), mais aucune information concrète n’a pour l’instant été dévoilée sur le sujet. « Nous avons également de fortes attentes sur le secteur ferroviaire ; il manque 3 Md€ d’investissements pour être au niveau, or aucune annonce n’a été faite », regrette la responsable, qui milite pour la généralisation du forfait mobilité durable à toutes les entreprises. Le secteur de l’agriculture, qui représente près de 20 % des émissions de GES en France, reste également dans une zone d’ombre. « Le nouveau nom du ministère, ‘de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire’, montre les tensions entre la volonté de maintenir le productivisme et l’élan européen porté par la stratégie de la fourche à la fourchette », observe Lola Vallejo. Le PSN peut être mis à jour tous les ans, cela pourrait permettre d’améliorer les engagements français, espère la chercheuse. « Sur l’urbanisme, on ne sait pas grand-chose non plus de ce que veut faire le gouvernement », complète Xavier Timbeau. Pourtant, avec la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et la problématique d’étalement urbain, la nature des investissements qui seront faits est critique. » Quoi qu’il en soit, et les échanges tumultueux en juillet au Parlement l’ont clairement illustré, le chemin qui sera finalement tracé risque d’être plus le fruit de compromis que d’une réelle vision politique…. « Le gouvernement ne disposant pas de la majorité absolue, il va devoir trouver des coalitions texte par texte », conclut Xavier Timbeau.

Source : RSEDATANEWS ARTICLE – Transition écologique : le gouvernement attendu au tournant dès la rentrée – RSE DATA NEWS – Août 2022

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